The way you look tonight Feat. Elena

Feat. @Elena Desrosiers

Dix huit heures. Il est encore tôt. Phillipe est déjà en route vers son domicile. Il est de bonne humeur, il chantonne. Il est rare qu'il rentre si tôt en semaine. Surtout depuis quelques semaines, alors qu'il se plonge dans le travail pour ne pas penser. C'est ainsi qu'il fonctionne. Mais la maison n'est qu'à eux deux, ce soir. Elena n'est pas de garde, aucun enfant à l'horizon. Un fait rare. Il le sait, et compte bien en profiter. Il ne peut pas la négliger ainsi plus longtemps. Leur immense demeure se profile à l'horizon. Il se gare dans l'allée. Il descend, la remonte et entre. Les clefs sur le meuble de l'entrée, la veste sur le portant et son attaché caisse dans un coin. Il se rend dans la cuisine, un bouquet à la main. La silhouette de son épouse se dessine devant les plans de travail. Il s'arrête deux secondes, l'observe. Elle est magnifique, comme toujours. Un sourire se dessine sur ses lèvres.

Il se dirige vers elle. Elle l'a surement entendu arrivé, n'a pas bougé pour autant. Il l'enlace par derrière, dépose un baiser dans son cou. Comme au premier jour, il se sent à sa place, comblé. Il se ne lasse jamais de la retrouver. L'odeur de sa peau, ses cheveux. Tout ça lui parait si familier et pourtant si précieux. Il continue de chantonner, au creux de son oreille, transformant peu à peu la mélodie en cette chanson qu'il aime tant et qui lui fait tant penser à elle. Il sourit, heureux.

"Lovely... Never, never change. Keep that breathless charm. Won't you please arrange it ? 'cause I love you. Just the way you look tonight ..."

Leur corps enlacés, il se met à bouger au rythme de la mélodie qu'il a entonné. D'une main, il lui présente le bouquet de ses fleurs favorites. Il a envie de la gâter, ce soir. Son épouse depuis trente cinq ans. Cette femme avec qui il a vécu tant de choses. Des épreuves parfois, comme celle qui l'a poussé un jour à commettre l'irréparable, ce à quoi il s'efforce de ne jamais penser. Ou celle qu'ils vivent actuellement. Mais surtout de merveilleux souvenirs, de belles années et cinq beaux enfants. Cette femme qu'il a juré d'aimer devant Dieu. Cette promesse là, il ne l'a jamais trahi. Si simple, quand on aime aussi fort. Elle est la seule à connaitre l'homme sous la carapace rigide. La seule à l'aimer entièrement. La seul à le comprendre.
 

Feat. @Phillipe Desrosiers

Aujourd’hui Elena n’était pas de garde à l’hôpital. Du coup, elle en a profité pour dormir une petite heure de plus avant de commencer le grand ménage dans cette grande maison devenant bien trop vaste pour son mari et elle. Elle sait tout d’abord occupée des chambres et des deux salles de bains à l’étage. Les premières chambres qu’elle a d’abord nettoyée de fond en comble sont anciennement celles de ses enfants. Et même si ils viennent rarement dormir ici, la mère de famille tient à garder ces lieux propres. Puis finalement, elle s’est attardée sur la chambre parentale. Elle a épousseté les cadres photos de ses enfants et de son mariage. Se revoir dans sa robe de mariée et Philippe dans son costume trois pièces a ravivé en elle de merveilleux souvenirs. Des souvenirs à jamais gravés dans sa mémoire et dont elle se souviendra encore longtemps. Et après l’étage se fut au rez de chaussé d’y passer. Du sol au plafond tout était briqué et brillé de milles feux. Et après l’effort, elle se réconforta devant un bon déjeuner bien mérité. Et pendant qu’elle dégustait son plat. Elle réfléchissait déjà à ce qu’elle préparerait pour le dîner du soir. Sans doute allait-elle concocter le plat préfère de son mari. Mais pour l’heure elle doit d’abord terminer les tâches domestiques dans la maison. Les époux Desrosiers pourraient se payer une femme de ménage pour effectuer toutes ces tâches ingrates, mais lorsque Elena n’est pas de garde à l’hôpital elle-même s’occuper en faisait le ménage et le repassage. Ça lui rappelle ses congés maternités lorsque elle avait encore à charges ses enfants.

Ce n’est seulement qu’en fin de journée que la mère de famille enfile son tablier pour préparer le dîner de ce soir. Elle sort tous les ingrédients nécessaires à la préparation du dîner. Et commence par couper les légumes. Dehors, elle entend la voiture de son époux qui se gare dans l’allée. Elle l’entend également rentrer, mais ne s’arrête pas pour autant, bien trop concentré pour s’interrompre maintenant. Mais elle y est finalement obligé lorsque son mari vient se glisser derrière elle, l’entourant de ses bras rassurant et l’embrasser dans le cou. Elle pose ses mains sur les sienne, savourant cet instant privilégié qu'ils ont fini par retrouver ce soir. Il y a bien longtemps qu'il n'avait pas eu la maison pour eux tout seuls et l'un comme l'autre comptaient bien en profiter. Un sourire étire la commissure de ses lèvres lorsque Philippe se met à chantonner au creux de son oreille cette chanson dont elle apprécie tant l'air et qui lui donne l'impression d'être la plus belle femme du monde à ses yeux.

« And that laugh. That wrinkles your nose. It touches my foolish heart. Lovely don't you ever change. Keep that breathless charm. Won't you please arrange it. Cause I love you. Just the way you look tonight. » chantonne-elle à son tour, bougeant avec lui au rythme de la mélodie que son mari a commencé. C'est alors qu'il lui tend un magnifique bouquets de fleurs. Et pas n'importe lesquelles, des lys blancs. Ces fleurs préférées. Elle prend le bouquet avec plaisir, l'apportant à ses narines pour inspirer le parfum merveilleux qui s'y échappe, avant de se retourner pour faire à son mari. « Elles sont magnifiques ! » Un sourire ravie et elle vient l'embrasser tendrement, avant de se détacher pour mettre les plantes dans un vase qu'elle remplie préalablement d'eau. Puis, elle revient vers lui et enroule ses bras autour de sa nuque. Elle se hisse sur la pointe des pieds pour venir chuchoter à son oreille. « J'aurais moi aussi un cadeau à t'offrir, mais tu vas devoir patienter jusqu’au dessert. » Elle lui offre un sourire mutin, avant de l'embrasser à nouveau. Depuis combien de temps n'ont-ils pas eu de soirée rien que tous les deux ? Et partagé un moment comme celui-ci ? Bien trop longtemps.

Feat. @Elena Desrosiers

Elle reprend l'air en même temps que lui. Son sourire s’agrandit. Ils se connaissent par cœur. Il savait que cela lui plairait, qu'elle reconnaitrait l'hommage. Les fleurs aussi d'ailleurs et son baiser le conforte plus encore que ses mots. Il la sert brièvement contre lui avant qu'elle ne s'échappe. Son regard l suit, l'observe arranger le bouquet, chacun de ses gestes qu'il connait sur le bout des doigts. Cette façon qu'elle a de prêter attention à chaque détail, son élégance naturel. Ou bien est-il seulement si épris d'elle que chaque mouvement lui parait la grâce de Dieu ? Lorsqu'il l’accueille de nouveau dans ses bras, il reçoit ses promesses au creux de l'oreille avec un rire.

"Vraiment ?"

Pas le temps de répondre qu'un nouveau baiser lui ai offert. Il le reçoit comme un cadeau et déjà, une main s'attarde sur son visage, dans son cou. L'autre se pose automatiquement au creux de ses reins. Ces gestes-là, il les exécute depuis si longtemps qu'ils font comme partie de lui. Le goût de ses lèvres ne manque jamais d'affoler son cœur, sentimental comme il est. Et il doit se l'avouer, réveille également la part charnelle et faible de sa condition d'homme. Il ne posera aucun mot sur ce détail, car ça ne serait ni galant ni distingué. Elle le connait de toute façon bien trop pour ne pas deviner par elle-même. Mais rien ne l'empêche d'en plaisanter sitôt leur lèvres descellées.

"Si je ne vous connaissez pas aussi bien, Ma Dame, je jurerais que vous me faites des avances."

Cela ne lui déplait pas. Son épouse est la plus magnifique de toute. Elle n'a rien à envier à une autre. Et leur entente est parfaite. Il leur a fallu des années pour arriver à une relation pareille. Une vie entière. Mais à présent, rien ne pourrait ébranler sa certitude d'avoir trouvé en elle la personne qu'il lui fallait. Rien auquel il ne puisse s'attendre, en tout cas. Il lui adresse un sourire coquin. Un dernier baiser sur la tempe, il change de sujet, gentleman. Il remarque enfin son activité précédente. Elle cuisine et en bon vivant, il raffole déjà de ce qu'elle lui prépare. Quoique se soit, d'ailleurs. Tout en la gardant contre soi, il s'intéresse. L'endroit sent le propre, tout est à sa place.

"Tu nous cuisines quoi ?" Je peux t'aider ?" il désigne la pièce d'un geste, "Je vois que la maison est impeccable et que tu as encore passé la journée à faire le ménage. Tu sais que tes jours de repos sont fais pour se reposer, justement ? Tu aurais du te détendre. Nous aurions pu commander. Ou sortir, si tu préfères."

Ce n'était en rien un reproche, juste du soucis pour son épouse qui travaille beaucoup de part sa profession de chirurgienne. Personnellement, il se contenterait bien de leur demeure pour ce soir. Mais si cela devait lui faire envie, alors il n'hésiterait pas. Il lui décrocherait la lune.

Feat. @Phillipe Desrosiers

Elena apprécie ces délicieux moments intimistes qu’elle partage avec son mari. Ces moments qu’ils redécouvrent à deux, depuis que leurs enfants ont quitté la maison familiale. Et cette soirée est l’un de ces moments dont elle ne voudrait qu’il ne finisse jamais. Elle est tellement bien ainsi positionnée dans ses bras. Ses bras où elle se sent en sécurité et où elle oublie tous les soucis extérieurs qui leur tombent dessus. Elle en oublierait presque que leur fils aîné leur a annoncé il y a quelques jours son homosexualité et la dispute qu’elle a eu avec celui-ci à ce sujet il y a peu. Elle ferme un instant les yeux, elle ne doit pas penser à Gavin, pas ce soir, alors que son mari lui a fait le plus des cadeaux. Des fleurs. Des lys blancs en plus, c’est préféré. Elena aime les petites attentions de son mari, elles peuvent sembler anodines pour certains, mais pour Elena c’est une preuve d’amour irréfutable et qui montre que passer trente-cinq ans de mariage il est toujours aussi amoureux d’elle et qu’elle n’a aucune raison d’avoir peur qu’il la trompe avec une femme plus jeune.

Parce que oui, même si Elena a confiance en lui, elle n’a pas confiance aux autres femmes. Elena n’a plus le corps de ses jeunes années et même si elle se maintient en forme  et reste séduisante pour une femme de son âge, elle sait qu’elle ne fait plus le poids face au corps pulpeux et envoûtant d’une jeunette. Mais ce qu’elle n’a plus physiquement, elle le compense en expérience et une jeunette ne pourra jamais rivaliser avec elle sur le sujet. D’ailleurs, elle lui promet déjà tout en subtilité dans le creux de l’oreille, un cadeau mais que pour le recevoir il devra attendre le dessert. Il est inutile de réfléchir bien longtemps pour comprendre de quoi elle parle. Philippe est un homme, il sait où elle veut en venir, après trente-cinq ans de mariage ils n’ont plus besoin de parler pour se comprendre, un regard suffit à l’un pour que l’autre décrypte le message. Elle se met à sourire, lorsqu’il se met à plaisanter de la situation. Elle fait mine de réfléchir, joue le jeu.

« Si vous me connaissez aussi bien Monsieur, vous savez que mes avances valent leur pesant d’or. » Il est la meilleure personne pour le savoir. Il est et restera son seul et unique amant. Son amour et son désir pour lui sont immuables et rien n’y personne ne saurait changer ce qu’elle ressent depuis si longtemps pour lui. Un dernier baiser échangé et son mari comment à s’intéresser à ce qu’elle faisait avant qu’il n’arrive. Son mari aime la bonne nourriture et sans se vanter, Elena excelle dans ce domaine. Disons qu’elle a appris avec les meilleures cuisinières qu’elle connaisse : sa grand-mère et sa mère. Elles lui répétaient sans cesse  que le véritable chemin pour toucher le cœur d'un homme passait d’abord par son estomac. Alors, elle a appris et il faut croire que ce dicton est vrai, vu le temps qu’Elena a passé aux fourneaux pour garder Philippe à ses côtés. « Je cuisine ton plat préféré, du bœuf bourguignon. Dit-elle en prenant l’accent français. Son mari ayant des origines françaises, il est normal qu’elle en connaisse le dialecte. M’aider, non. En revanche, tu peux desserrer ta cravate et aller nous servir deux verres de vin, le temps que ça mijote. » Ce n’est pas qu’elle ne veut pas d’aide, au contraire, mais il a assez travaillé pour aujourd’hui. Elena sait comme les journées peuvent être éprouvantes, surtout pour un juge de la cour suprême. Puis, il note la propreté impeccable de la maison et les heures qu’elle a passé à la rendre comme telle. Mais il aurait préféré qu’elle se repose, lui rappelant que ses jours de congés sont faits pour se reposer et non pour faire le ménage. Il lui propose même de commander quelque chose ou de sortir manger ailleurs. Elle lui sourit tendrement. « Oui je sais que mes jours de repos sont faits pour ça, mais j’avais besoin de penser à autre chose et le ménage m’a semblé être la meilleure solution. Elle ne disait pas clairement qu’elle ne voulait plus penser à Gavin, mais il le comprendrait de lui-même. Et maintenant que tu es la, je vais pouvoir me détendre et profiter de ce jour de repos. Inutile de commander ou de sortir où que ce soit, j’ai tout ce qu’il me faut ici, toi et une bonne bouteille de vin. » avoue-elle, avant de venir déposer ses lèvres contre celles de son mari et de le quitter à contre cœur pour surveiller la cuisson de son plat.  

Feat. @Elena Desrosiers

Le délicieux fumé qui s'échappe des plats en train de mijoter, il le connait par coeur. Elle le lui confirme, prenant l'accent de son pays natal, il s'agit bien de son plat favori. Il lui décroche un sourire reconnaissant. Elle qui le cuisine si bien. Il en a déjà l'eau à la bouche. Elle refuse son aide, bien évidemment, mais lui propose de sortir une bonne bouteille. Voilà qui n'est pas une mauvaise idée.

Même après une longue journée comme celle qu'elle vient de vivre, elle pense encore à son confort à lui. Il le sait, cette situation est difficile pour tous les deux. Si lui se perd dans son travail pour ne pas cogiter, elle utilise également toutes les ressources disponibles pour en pas trop penser à leur fils, Gavin. Et pourtant, elle trouve encore l'énergie de se soucier de son époux. Il sait la chance qu'il a de l'avoir. Elle le lui prouve encore une fois. Il se sentirait presque coupable de tout l'acharnement qu'il a mis au travail ces derniers temps. Elle mérite parfois tellement mieux que lui.

"Tu es un amour."

Un dernier baiser sur sa tempe et il se dirige vers leur cave. Il ne parle pas de Gavin même si il sait parfaitement qu'elle y faisait référence. Il ne sait quoi en dire. Ne veut pas la blesser comme il se blesse lui-même en tournant et retournant les questions dans ses esprit.
Ecoutant son conseil, il desserre sa cravate pour finir carrément par la retirer et la mettre dans sa poche. Il cherche pendant plusieurs minutes, indécis. Puis il finit par dénicher la bouteille qu'il leur faut. Un grand cru d'une année particulière. Un message. Il remonte avec et entreprend de préparer une table pour deux. Il n'omet aucun détail. Une chandelle, leur plus belle nappe et les couverts des grands jours. Il se veut romantique, ce soir. Prévenant. Puis, il leur sert un verre chacun qu'il apporte directement dans le cuisine.

"Tout est prêt de l'autre côté." prévient-il en lu tendant son verre, "Et voilà le vin. Saint-Emilion, année 1983. Je sais que tu en raffoles."

Si il a choisit cette bouteille, ce n'est pas anodin. Déjà, elle lui plaira et s'accordera à merveille avec leur repas. Mais c'est surtout sa façon à lui de lui signifier qu'il n'oublie pas leur ainé. 1983, l'année de naissance de Gavin. Même s'il évite le sujet depuis qu'il leur a annoncé sa prétendue homosexualité, il veut qu'elle comprenne qu'il n'ignore pas sa souffrance. Et qu'ils l'affronteront ensemble. Est-ce une façon d'ouvrir le sujet avec douceur ? Peut-être. Conscient qu'il leur faudra percer l'abcès, il n'est pas sur d'être prêt à en discuter pour autant. Surtout après la violente altercation qu'il a partagé avec leur premier né, au Tribunal. Il se sait incapable de tolérance, trop ancré dans son incompréhension et sa colère. Il se contente de trinquer, un léger sourire aux lèvres.

"A cette merveilleuse soirée. En compagnie de ma merveilleuse femme."