it's seems like a carcrash (ft. Aiden)

L'air préoccupé, Soledad était au volant de sa voiture d'occasion, en pleine réflexion. C'était une petite 206, une voiture qu'elle affectionnait tout particulièrement, bien qu'elle faisait un bruit monstre au démarrage et que l'embrayage pouvait faire des siennes. C'était un cadeau qu'elle avait reçu et qu'elle chérissait, comme ce jour où elle avait enfin obtenu son permis, non sans embûches financières et psychologiques qui avait évidemment retardé ce jour J. Elle ne conduisait pas comme une experte, plutôt comme ceux qui aiment aller un peu vite, la musique en sourdine et les cheveux au vent. Elle aimait conduire quelque part, pour oublier son train de vie si décousu, imprévisible, sans perspective de sérieux à l'horizon. Elle avait ainsi l'impression, l'espace de quelques minutes, de s'évader, de partir de San Francisco, d'imaginer autre chose. Aujourd'hui, pourtant, le coeur n'était pas à se perdre. Elle devait absolument se rendre au plus vite au domicile d'un client, elle risquait d'ores et déjà d'être en retard. Lorsqu'elle finit par se recentrer sur la route, elle crût rater un feu. Elle appuya sur l'accélérateur afin de passer en vitesse, celui-ci était déjà orange et elle mit son clignotant au dernier moment pour tourner à droite... Dans le feu de l'action, la voiture de derrière , tourna à droite non sans la percuter légèrement à l'arrière alors que les deux voitures s'engageaient dans la petite rue adjacente. Le bruit ne fût pas si fort mais assez pour que Soledad s'arrête. Sa voiture ne devait pas avoir grand chose mais tant pis, elle descendait quand même. Alors qu'elle ferma la porte et entreprit de vérifier les traces sur l'arrière, elle croisa le regard du conducteur. Ce fût le choc. " J'y crois pas... C'est toi?! " osait t-elle.

Aiden est énervé, ce matin. Il a encore reçu un message vocal de Vic, hurlant à un nouveau scandale. C’est devenu une habitude, maintenant et Aiden n’en peut plus. Après cette journée de travail, il s’est promis d’aller changer de portable et de changer de numéro. Tant pis si elle n’est pas contente, tant pis si elle ne peut plus crier et qu’il ne peut pas recevoir des appels de sa fille – il l’appellera lui. Mais Vic n’aura plus cette emprise éternelle sur lui. C’est hors de question. Dans un souffle, il appuie un peu plus fort sur la pédale de sa grosse voiture et dévale les rues de San Francisco à toute vitesse pour arriver vite au travail, et régler les premiers détails avant de tomber sur son assistante, sa secrétaire. Il ne veut pas qu’elle sème encore la panique dans ses dossiers, il ne veut pas qu’elle s’impose de nouveau. Aiden est mieux sans elle, bien qu’elle arrive aussi à lui retourner le cerveau. Il se perd dans ses pensées sur les routes de ce jour. Il profite de l’instant pour bailler, pour regarder son portable et dans un geste brusque, il manque de justesse une toute petite voiture qu’il voit à peine depuis son gros quatre-quatre. Il n’a rien senti, mais il ralentit et remarque qu’elle sort de sa voiture. Aiden s’arrête, râle et crie d’une voix rauque dans sa voiture. « Il ne manquait plus que ça, putain. » Qu’il dit, avant de pousser violemment la porte pour se tourner et se retrouver face à un fantôme. Et pas des moindres.
*La nuit était bien entamée ce soir-là. La nuit était belle. Et elle l’était aussi, là, nue dans les draps blancs de cet hôtel immense. Aiden embrassait son cou, elle passait ses mains dans ses cheveux. Ses baisers valsaient sur son corps bronzé, au doux rythme de la mélodie qui sortait du lecteur vinyle. Un mouvement charnel, passionné et parfaitement contrôlé par l’instant et par la passion des deux corps chauds. Elle rattrape son visage, Aiden l’embrasse de plus belle. Une nuit étrange, qu’il n’échangerait pour rien au monde.*
« J'y crois pas... C'est toi?! » Bien sur qu’il l’a reconnue, bien sûr qu’il se rappelle de tout. Mais il n’a pas oublié son départ précipité aussi, et la honte qu’il a ressenti le lendemain matin. Il s’est juré d’oublier, Aiden. Alors c’est ce qu’il fait – sans quitter son visage terne et énervé. « Qui ça, moi ? On se connait peut-être ? » un faux-semblant parfait, pour une gamine qui n’a certainement rien demandé. Au contraire, elle a offert bien plus qu’il ne l’aurait espéré. Aiden regarde sa voiture, voit qu’il n’a rien même s’il le savait et replonge ses yeux dans ceux de la jeune brune. Son ventre se tord de ce mensonge, terrible personne qu’il est. « On fait quoi là, pour cette histoire. Vu la poubelle que tu conduis, je pense qu’on va se passer des détails hein ? » Il hausse les sourcils et se permet de rire. Il enfonce le clou, qu’elle ne regrette rien. Si ce n’est cette nuit fabuleuse.

Soledad se sentait comme une cruche, d'avoir été aussi inattentive. Elle qui galérait déjà pour s'offrir de quoi se fringuer classe et bien manger, voilà qu'elle risquait sur la route de rayer voir embouter sa voiture. Si elle la perdait, elle n'avait quasiment plus rien, c'était clair. Elle resta un moment incrédule quand elle perçut qu'elle l'avait parfaitement reconnu mais que de son côté, rien ne semblait si évident. Pourtant, pour elle tout revenait comme avant.
C'était une belle soirée d'été, lorsque ces hommes assez éméchés avaient fait appel à Soledad pour ses services. Elle avait voulu aller se coucher mais finalement, elle s'était retrouvée dans ce guet apens dont le principal intéressé semblait perdu. L'heureux élu avait changé de tête, au plaisir de Soledad qui l'avait trouvé mignon. Elle se souvint d'avoir passé une bonne nuit. Ils avaient été doux, harmonieux, rapides et en même temps à vivre le moment si intensément... Il avait su l'apprécier en cette unique nuit, elle avait certainement contribué à son plaisir aussi. La musique les avait poussé à leurs limites, usant de leurs audaces mais aussi, indéniablement, à leurs solitudes...Epuisés, ils s'étaient endormis l'un sur l'autre...
« Qui ça, moi ? On se connait peut-être ? » Soledad se sortit de sa propre rêverie avec cette remarque nonchalante. Ce n'était clairement pas un homme coopératif. Elle répondit au tac au tac  - Non mais tu te fous de moi ? Tu ne vas pas me dire que tu as oublié que tu as bien pris ton pied en payant y'a pas si longtemps? Arrête, tu vas me vexer!. Elle était énervée mais elle ajoutait toujours une pointe d'ironisme quand elle sentait la situation lui échapper. Là, elle ne voulait pas le laisser partir si facilement avant de bien l'engueuler. « On fait quoi là, pour cette histoire. Vu la poubelle que tu conduis, je pense qu’on va se passer des détails hein ? ». Elle croisa les bras, excédée. Elle eût envie de lui sortir toute une sorte de conneries, des noms d'oiseaux et d'autres subtilités qu'il reconnaîtrait sûrement. Non seulement sa voiture n'était pas une poubelle, mais en plus c'était lui en tord. Elle n'allait pas se gêner. - C'est toi qui est en tord mon gars! En plus je parie que t'avais pas les yeux rivés sur la route! C'est pas parce que t'es un bon coup que tu dois te permettre de me répondre ça! . Puis, elle tourna autour de sa voiture, posant ses doigts de part et d'autre du pare brise en ajoutant - Vu ce que la tienne t'a coûté, je suis certaine que tu pourras me donner une compensation.... Elle ajouta sa phrase d'un sourire narquois, prête à tout pour obtenir dédommagement.