Come on and patch me up... Please ? ♦ Ariadna

Les gouttes écarlates perlent sur son front, ruisselant délicatement le long de sa peau pour venir se perdre dans le creux de son cou. Crispés sur les plis de son jean troué, ses doigts écorchés enserrent la toile du pantalon au point de s’y imprégner dedans, unique expression de la rage latente qui l’anime encore. Il entend le cliquetis de l’horloge en face de lui dont il fixe les aiguilles avec insistance, la mâchoire contractée par la frustration et l’agacement. Combien de temps avait-il passé assis ici ? Combien d’heures avait-il perdu le cul vissé sur ce lit d’hôpital à attendre que quelqu’un daigne s’occuper de lui ? Trop selon lui et chaque minute de plus n’était qu’une goutte d’eau sur le point de faire déborder un vase empli de haine et prêt à se déverser sur quiconque aurait le malheur d’être présent pour la recevoir. Pourtant il avait jusqu’à présent réussi à se contenir, faisant preuve d’une patience extrêmement rare pour le personnage odieux qu’il était et cela avait le mérite d’être souligné. Les raisons d’un tel comportement ? Tout d’abord la douleur insupportable qui le saisissait au niveau des côtes, souvenir dispensable d’une énième soirée ne s’étant pas bien déroulée. Sa peau avait viré au bleu, ses habits étaient partiellement déchirés et un hématome d’une belle taille avait élu domicile à quelques centimètres au-dessus de sa hanche droite. A cela s’ajoutait la plaie superficielle ancrée au niveau de son arcade sourcilière et constituant la seconde raison justifiant sa patience : le coup sur la tête à l’origine du dommage l’avait suffisamment sonné pour qu’il ne soit pas certain d’être en totale possession de ses moyens et par extension, de ses capacités à se plaindre. Enfin, la troisième et dernière raison était qu’il avait pris l’habitude de se montrer plus flegmatique une fois que le personnel du centre médical du 555 California Street lui assurait qu’une infirmière en particulier venait s’occuper de lui, comme c’était le cas aujourd’hui.

Alors il avait pris sur lui, s’installant dans le box des urgences comme à son habitude, réfléchissant à toutes les saloperies qu’il pourrait cracher au visage de la pauvre demoiselle qui viendrait s’occuper de lui afin de soulager sa colère. Il jouait la scène dans sa tête, imaginait les réactions de la nurse s’il se permettait d’être désobligeant de telle ou telle manière. Il passait le temps comme il le pouvait, espérant à chaque fois que l’ombre qui naissait au bout du couloir était celle qu’il était venu rejoindre aujourd’hui, dans ce qui ressemblait à un rendez-vous forcé entre deux amants qui se seraient détestés. Finalement, le grand rideau s’ouvrit et laissa place à la silhouette familière d’Ariadna Nieves, infirmière officieusement attitrée aux soins relatifs aux incartades de l’ancien chef étoile Connor Hamilton : « Enfin ! ». Ni bonjour, ni merde : voilà un rituel d’impolitesse auquel s’adonnait le quadragénaire avec rigueur. Suivant la demoiselle du regard, il se permit d’ajouter : « La prochaine fois que j’aurais envie de souffrir pendant des heures, j’irais écouter un concert d'une de ces pseudo-star issues de Disney Channel… Ca aura au moins le mérite d’être moins cher et moins pénible que de vous attendre… ». Il ne savait pas si avec le temps, l’infirmière avait appris à ignorer ses paroles ou si elle était encore vexée de ses propos, mais au fond il s’en fichait : tout ce qui comptait à ses yeux était de ressortir comme neuf de la clinique… Et enfin détendu !