I don't want to close my eyes (ft. Belle)

Il était assez tôt, et pourtant, Anakin n'était tout simplement pas rentré de la nuit, une veste sombre sur une chemise qui l'était tout autant, les cheveux volontairement décoiffés, l'air d'un artiste ou d'un mauvais garçon. Il avait deux heures devant lui pour dormir un peu avant de devoir aller assurer sa double vie, de se rendre dans ce foutu lycée... qui lui avait apporté de douces surprises dernièrement. Il retint la porte qui se refermait déjà d'une main, l'incitant à se rouvrir alors qu'il se glissait à l'intérieur. Il n'avait pas envie d'attendre le suivant. Ni même la patience de poireauter dans ce fichu hall. Pourtant, l'esprit ailleurs, son regard se reporta sur cette blonde... Cette fille qui se trouvait au fond de l'ascenseur avec une gamine... il la connaissait. Vague souvenir de nuits oubliées, de dérives uniquement sexuelles qui les avaient liés le temps de quelques instants à l'échelle de l'humanité. Pourtant, ça devait bien remonter à quelque chose comme l'âge de la gamine. Les souvenirs affluaient sans vraiment qu'il les recherche, mais c'était presque comme si son cerveau voulait qu'il fasse le lien, alors qu'il voulait juste une douche et se glisser seul dans son lit. Mais il se souvenait de ce visage délicat lorsqu'ils avaient eu un incident de capote, et qu'elle lui avait dit de ne pas s'inquiéter, qu'elle prendrait la pilule du lendemain. Il l'avait ensuite écartée de son esprit comme une page à tourner, aussi simplement que ça. Et Anakin devait bien reconnaître qu'il n'avait tout simplement plus pensé à elle depuis. Il s'y perdrait s'il devait penser à toutes celles qui lui avaient volé quelques minutes de son existence. Mais là, piégé dans cet ascenseur avec elle... il ne pouvait s'empêcher de réfléchir, alors qu'il la regardait dans le miroir de l'habitacle. Elle, mais surtout la môme qu'elle avait dans les bras. Il avait oublié d'être con, Anakin. Oublié de l'être, alors qu'il pensait un peu trop souvent avec sa queue quand cela concernait ses désirs. Sauf qu'à cet instant, c'était une autre possibilité qu'il émettait en silence. Néanmoins, il était conscient que ce n'était ni le lieu, ni l'endroit pour étaler quoique ce soir, devant les autres personnes qui empruntaient cette cage métallique. Il se fraya donc un chemin jusqu'à se retrouver à ses côtés, allant jusqu'à s'adosser non loin d'elle, dardant dans sa direction un regard appuyé lorsque la porte de l'ascenseur qui s'ouvrit pour permettre aux personnes désirant descendre à l'un des étages professionnels, puissent quitter l'habitacle. De son côté, ses doigts se refermèrent sur son bras, pour la retenir, dans le cas où elle aurait souhaité s'en aller. T'as le temps d'un café... ? Putain, impossible de remettre un prénom sur son visage de poupée. J'habite un peu plus haut, et je crois qu'on doit parler. Au fond, il ne parvenait même plus à se souvenir où est-ce qu'ils l'avaient fait à l'époque, si c'était chez lui ou bien ailleurs. Si elle avait conscience qu'il habitait ici, ou si, forcément, elle n'en savait rien. Il plaça sa carte à l'endroit voulu pour que l'ascenseur se remette en marche, en direction de l'étage indiqué. Peut-être que ce n'était pas sa gamine. Peut-être que le manque de sommeil lui jouait des tours après tout. Peut-être que ça remontait à plus longtemps que cette gosse. Peut-être... mais il avait besoin d'en avoir le cœur net, de savoir. Et après ? Après... il n'en savait foutre rien.

Pas vraiment. Comme s'il en avait quelque chose à faire qu'elle n'ait pas le temps pour un café. Il ne lui laissait pas réellement le choix, et elle ne ferait pas d'esclandre, pas devant la gamine qu'elle avait dans les bras, il en était certain. On a rendez-vous. se justifiait-elle encore, alors qu'il glissait sans relâcher son bras... Tu veux un mot d'excuse ? Au fond, il n'était pas sérieux, même s'il pourrait aisément lui en faire un, n'importe quel justificatif qu'elle désirerait, c'était parfaitement dans ses cordes, et s'il demandait à Oona, elle s'arrangerait pour lui donner une réalité y compris sur la toile. Mais là n'était pas la question, n'est-ce pas ? Ce qui le taraudait en cet instant, c'était cette gamine, sans trop savoir ce qu'il ferait si son intuition était juste, s'il était réellement père. Il espérait peut-être un peu trop fort qu'elle le détromperait, qu'elle avait baisé avec un autre type sans protection, ou qu'elle était dans une vraie relation, et que cela n'était qu'une coïncidence si la petite semblait avoir l'âge probable qu'aurait eu le rejeton que la pilule du lendemain avait normalement éradiquée de son utérus avant même qu'il se forme. Anakin ne savait pas vraiment quoi en penser, et regarder la gamine ne lui donnerait pas la moindre indication... Belle lui ressemblait bien trop, des yeux bleus, des cheveux blonds... et il serait bien incapable de déterminer si la petite avait son front ou une connerie du genre. Puis les portes s'ouvrirent sur le 45ème étage, le sien, celui de son appartement, et Belle s'avança sans même se faire prier, sans doute consciente que le choix ne s'offrait pas à elle. Ce n'était pas de la colère qui motivait ses gestes, mais simplement cette impression désagréable, son regard n'ayant cessé de s'attarder sur la petite fille, comme une hantise qu'il espérait pouvoir étouffer d'un rire amusé, et d'une petite blague destinée à cette fille sortie de quelques nuits de son passé. Les portes de l'ascenseur se refermèrent derrière eux, et il glissa une main douce au creux de ses reins pour inciter la jeune femme à avancer, ne pas la brusquer malgré son invitation forcée. Contradiction faite homme, Anakin introduisit sa clé dans la serrure. Il espérait qu'Oona dormirait ou serait de sortie, pour une fois. Parce qu'elle trouverait sans doute tellement con qu'il se préoccupe d'un truc pareil. Entrez. Elle. La petite. Une nouvelle main pour l'inciter à entrer... Il n'agissait pas comme ces autres nuits, tout simplement parce que la petite fille changeait la donne, et que c'était une autre forme d'inquiétude qui lui rongeait les entrailles à cette seconde. Il referma derrière eux, tandis qu'il s'avançait dans la pièce, gagnait le salon où il s'empara de son paquet de cigarettes, avant de le lâcher. Idée conne, il y avait une petite fille avec eux. T'avais pas de fille quand on s'est rencontré. lâcha-t-il brutalement, son poing se serrant presque machinalement, alors qu'il reportait son regard sur Belle. C'était y a quoi ? Un peu plus de l'âge de ta gosse ? Il était bizarrement sérieux, le front plissé, l'esprit embrumé par ses pensées, ses réflexions. Il n'avait pas envie de rire, de se moquer, ni même de baiser en cette seconde. Il avait cette douloureuse inquiétude d'être devenu père sans que personne n'ait cru bon de le prévenir, ni même de lui demander s'il était d'accord. C'est la mienne ? lâcha-t-il comme une brulure sur sa langue, le myocarde manquant presque un battement, ou peut-être deux.

Elle avait reconnu ne pas avoir de gamine encore à l'époque où ils s'étaient rencontrés. Mais au fond, ça aurait pu être faux, elle aurait pu être restée ailleurs, pendant qu'ils s'amusaient entre adultes. Sauf qu'elle ne nia pas, le laissant continuer à l'interroger, sans qu'elle l'interrompe. Il attendait qu'elle nie, qu'elle le disculpe de cette paternité. Oui. C'est ta fille. Mais ce ne fut pas le cas. Il resta là, sans un mot, le regard fixement posé sur elle, comme s'il s'attendait à ce qu'elle ajoute une connerie, qui ne vint pas. Blanc légitime. Putain, elle était vraiment sérieuse ? C'était sa gamine qu'elle avait repris sur les genoux ? Je pensais pas que t'en aurais quelque chose à faire. Et c'était à elle de décider peut-être, s'il en avait quelque chose à foutre, ou pas, d'avoir une gamine. Lui-même ne savait pas comment réagir, alors elle ? Les mots crevés à ses lèvres, incapable de les laisser clamer sa colère, peut-être parce qu'il n'était même pas sûr d'être en colère en cet instant. Ses pupilles pâles ondulant entre la gamine et sa mère, cette même blondeur, ces mêmes yeux... Une famille de blonds aux yeux clairs, voilà ce qu'ils auraient été s'ils avaient été plus que quelques nuits de plaisir qui l'avaient juste assez marqué pour que son visage et son cul soient gravé dans son esprit. Bon, je suppose qu'il faut que je me justifie. Tu crois ? gronda-t-il, son regard se plissant. Peut-être que le monstre tapi au fond de lui commençait à gratter ses entrailles, peut-être que le manque de sommeil, la nuit blanche qui s'étirait derrière lui noircissait sa vision des choses. Pourquoi je n'ai pas pris la fameuse pilule du lendemain ? Parce qu'en plus elle ne l'avait tout simplement pas prise ? Sa vision sembla se rétrécir, alors que ses poings se contractaient. Pas d'inquiétude... c'était ce qu'elle lui avait sorti, mais peut-être qu'elle avait eu précisément ce qu'elle voulait. Je ne sais pas, la première pharmacie que j'ai trouvé était fermée. J'ai abandonné. Peut-être que j'en avais juste pas envie. Peut-être que je savais que c'était certainement la meilleure chose qui puisse m'arriver. Il continuait à l'écouter, sans souffler le moindre mot, préférant fixer la petite fille plutôt que Belle. Est-ce que je regrette de ne pas l'avoir prise ? Pas du tout. Mabel Et ce fut ce prénom qu'il plaça sur l'enfant, cherchant à savoir si cela lui allait... ou non. C'était con comme réaction, mais la seule que son esprit jugea appropriée pour l'instant. est la plus belle chose qui me soit arrivé. Je me suis lancée dans l'entreprenariat grâce à elle, je suis heureuse et je me sens accomplie. Alors oui, c'est souvent problématique parce qu'on ne me prend pas au sérieux. J'ai vingt-deux ans, je suis maman et entrepreneuse... Mais j'adore prouver à toutes les personnes qui doutent de moi ce que je vaux. poursuivait-elle, allant jusqu'à déposer un baiser sur le sommet du crâne de la petite fille qui restait sagement assise sur ses genoux. J'imagine que t'as mille et une questions, alors vas-y. Mais j'ai vraiment besoin du café que tu m'as promis. T'es en train de me dire que t'es tombée volontairement enceinte ? Et que tu m'as rien dit parce que tu pensais que j'en aurais rien à foutre que tu portes ma gamine ? fit-il remarquer en laissant ses iris revenir se poser sur elle, son timbre chargé d'une rancune presque tangible. T'as cru quoi ? Qu'j'étais une banque du sperme ? Elle aurait pu lui mentir... Peut-être qu'elle aurait dû, au fond. Tenter de lui affirmer que ce n'était pas sa fille, qu'il n'avait pas à se sentir concerné par cette petite fille dont il ne savait rien. Tu veux un café ? Profites-en pour digérer le fait que je vais la reconnaître. Et s'il n'ajouta rien, son regard semblait lui susurrer qu'il lui déconseillait de tenter de ficher le camp, alors qu'il venait de lui dire purement et simplement qu'il allait bel et bien faire parti de sa vie à partir de cet instant précis. Avec tout ce que cela impliquait, très certainement, mais il était au courant, et il ne comptait pas simplement s'effacer. Il se leva, pour actionner la nespresso dans laquelle il glissa une capsule, avant de revenir vers elle, une tasse dans la main, qu'il fit mine de lui tendre, mais ce fut une main vide qu'il lui présenta surtout. On va faire un échange, ton permis contre un café. Il voulait son identité, et même s'il se souvenait de son prénom, il ne se fierait pas à sa seule parole pour obtenir le reste. Et après tu me diras où tu vis et si t'as besoin d'argent. Il reposa son regard sur Mabel, sans trop savoir quoi penser de cette enfant qui était la sienne... Elle a quel âge ?