chaos, nom masculin, du grec khaos, abîme. (ARDEN)

chaos, nom masculin, du grec khaos, abîme.

Elle ne s’efforce même pas d’alléger son pas, pieds enfermés dans un talon aiguille vertigineux à donner la nausée aux non-initiés. Elle referme la porte de l’appartement, la claque peut-être au passage, ne s’en préoccupe pas le moins du monde, insensible aux gens qui y dorment, qu’importe s’ils peuplent son quotidien ou non, qu’ils aient le sommeil léger ou pas. Elle n’en a que faire, Scar, ne s’est jamais vraiment préoccupé de quoi que ce soit d’autre qu’elle-même. Scar, elle passe une main dans sa chevelure, une cigarette coincée entre ses lippes carmin. La soirée a été bonne, elle a des billets dans le soutien-gorge, de l’alcool dans le foie, des frites dans l’estomac. La tête lui tourne un peu, mais c’est toujours comme ça, petit oisillon qui s’éparpille plutôt que s’arrêter un moment pour reprendre bien. Pieds nus, elle parcoure le couloir, dépasse la porte close qui mène à sa chambre avant de faire volte-face. Un sourire délicat, carnassier aussi, vient habiller son visage poupesque. Elle sait ce qu’elle veut, et nul autre que ce qui lui fait envie ne peut dicter ses actions. Elle presse délicatement le mécanisme qui embaume son cou d’une odeur de jasmin et de cendre, légèrement poivré aussi, qu’elle porte toujours, tornade. Il est enivrant dans sa singularité, et conjugué à son grain de peau satiné d’une couleur chaude, sa chevelure d’ébène aux relents de cendre de cigarette et de traitement au henné, elle est captivante dans son ensemble. Elle le sait, elle en joue, et plus que bien d’ailleurs.

Comme ici, comme maintenant, alors qu’elle se dirige vers sa chambre.

Elle laisse glisser sa robe au sol, s’insère dans ses draps. S’il dormait, il ne dort plus. Il dort peu, toujours alerte, toujours l’esprit vif, comme si sa survie en dépendait, Arden. Comme une proie qui se débat contre la prédation. C’est que Scar est une prédatrice aguerrie dans les domaines qui lui plaisent, comme lorsque ses phalanges remontent en caresses aériennes contre la colonne vertébrale de ce dernier, suffisamment imprudent pour lui tourner le dos…

(c) AMIANTE

t'as le sommeil agité, bercé par des cauchemars aux allures d'ombre noirs. derrière tes paupières, c'est le chaos. l'angoisse omniprésente s'étend sur toi et de ses bras voraces t’enlacent pour un ultime baiser. quelque part, dans tes songes, la mort gronde et te brutalise. elle est là. amante d'une nuit, voir de toute. tu y laisses tes plumes de corbeau à chaque fois, incapable de tout arrêter. incapable de rêver comme d'autre rêve. les yeux clos, tu te laisses envahir, tourmenté, asservir par ces démons insatiables. t'aurais peut-être dû prendre une dose avant de t'endormir. ou peut-être que t'aurais dû griffer ta peau de quelques traces de plus. peut-être que t'aurais dû, oui. pourtant, t'as rien fait. t'as résisté à ces envies d'horreur et de souffrance physique. mais pour quoi ? pour mieux en subir les conséquences une fois seul. ta respiration se saccade. tes tempes deviennent moite, comme tes cheveux blonds. ton corps entier sue de ce naufrage qui t'habite, comme si il essayait de chasser tout ce mal être par chaque pore de ta peau. peine perdue. et c'est le sursaut. le trop. l'angoisse qui jaillit d'un coup, d'un seul. ton palpitant s'emballe. il dérape, manque de mourir une fois de plus. et la réaction est si immédiate que tu ne la contrôles même pas. tes doigts viennent s'écraser sur la gorge de scar qui vient de se coucher à côté de toi. tu ne l'as même pas vu. tu n'as même pas senti sa présence. pourtant, ce n'est pas la première fois qu'elle vient caresser ta peau, embraser ton corps meurtri mais c'est sans doute, le mauvais soir. peut-être que tu sers même un peu trop. peut-être même que tu laisses la trace de tes phalanges sur sa gorge. tu la blesses dans un sursaut d'angoisse. parce qu'elle se faufile à tes côtés à des heures où tes failles sont si visibles et évidentes. instabilité de la nuit qui te gagne. parce qu'elle ne devrait pas être là, si proche de toi. parce que tu l'as laissé enter une seule fois et que maintenant, la tornade ne songe qu'à revenir te faire tempête. et tes doigts qui se resserrent, encore. et ces images secrètes mais néfastes qui t'empêchent de voir qu'elle est là, qui occultent ta réalité.

chaos, nom masculin, du grec khaos, abîme.

L’air s’essouffle dans ses poumons, se diffuse comme il le peut, appauvri de sa matière première, la laissant pantoise, haletante. Elle ne déteste pas cette sensation d’être soumise à la volonté d’un tiers, même qu’il y a quelque chose de sensuel dans la suffocation. Sauf ici, sauf maintenant, sauf avec les phalanges en béton qui presse contre une chair candide et offerte, d’où les couleurs fadent désormais. Ses cils battent pour soulever une tempête alors que ses jambes-allumettes s’agitent comme possédées. Elle entrouvre la bouche, assoiffée d’une goulée fraîche qui ne parvient finalement qu’à assécher ses lippes gourmandes. Sa mâchoire se crispe, son corps se contracte, réagit aussi violemment qu’on le peut sous le joug d’une surprise qui l’a laissé perplexe, une seconde de trop. Alors qu’elle gémit, un son guttural qui s’extirpe des tréfonds de l’âme abîmée dans l’espoir de toucher celle qui lui fait face, usée à la corde, brisée par des éléments externes qui semblent l’habiter entièrement. Le temps se fige, les secondes s’étiolent. Sa poitrine s’affole, se soulève à un rythme effréné, elle a l’impression que son palpitant va suffoquer, lui aussi, à force de battre comme ça, en forcené…

La paume s’aplatit contre la joue de son vis-à-vis, dernier soubresaut de volonté alors que son regard se voile, recouvert d’une pellicule translucide, elle en est à tendre les doigts pour y toucher, captivée. Des perles salines s’accrochent à ses cils, paupières qui s’agitent de moins en moins que la poupée devient chiffon, inexorablement.

Jusqu’à ce qu’il ouvre les yeux prestement, et que dans son geste de recul, elle se retrouve au sol, insensible au son de son crâne contre le sol, insensible à la douleur et au son, s’efforçant simplement de ne pas arracher un poumon meurtri à force de tousser, elle tousse tellement qu’elle doit déverser de la bile là, froidement, sur la dalle froide. Scar se recroqueville sur elle-même, réflexe d’une candeur enfantine et d’une innocence qui ne lui sied pas du tout. Et lorsqu’elle parvient à faire papillonner une once de raison dans son esprit, Scar échappe un rire éthéré, qui semble venir d’outre-tombe.

« Bordel Byrd, t’es un putain d’enfoiré » qu’elle laisse couler de sa bouche entre deux saccades de rires, hors de contrôle, désarticulée. La voix s'est éraillée avec la grêle qui l'a submergé...

(c) AMIANTE

ta joue s'échauffe au contact de sa main. tu sens le coup, l'uppercut pourtant que gifle qui s'abat sur toi. ça a le mérite de te faire revenir sur terre. d'atterir. de reprendre le temps d'un instant, pleine possession de tes moyens, même si tu ne les as jamais réellement. bordel byrd, t’es un putain d’enfoiré. qu'elle ricane, entre deux bouffées d'oxgène. les yeux hagard, la main sur ta joue endolori, tu cherches du regard scar. la victime, c'est elle et pourtant, elle rigole. elle s'esclaffe de cette intrusion sur son corps trop frêle. tu ne le savais pas masochiste mais ca t'importe peu à cet instant précis. tu te sens, juste, soudainement si coupable que ça te broie de l'intérieur. t'as du mal à capter : t'as froid, t'as chaud. tu trembles même, presque. autant qu'apeuré qu'en colère. contre elle, contre toi, contre eux. tu voudrais t'approcher et voir que tes doigts n'ont pas tant rougie la couleur pâle de sa peau mais t'es incapable de bouger. crispé à tes draps. t'inspires. t'expires. tu tentes de te calmer, d'ignorer (comme toujours) ton anormalité. mais c'est trop tard, l'angoisse renouvelé, est exacerbé. par sa présence. par sa seule présence. démon de minuit qui s'ignore. fallait pas venir. tu lui balances à la gueule. oui, c'est la victime mais c'est beaucoup trop difficile d'admettre. tu te laisses trop envahir par les mauvaises émotions, arden. ce cauchemar. ta réaction. scar. jamais t'y arrivera. jamais. et arrête de rigoler. ça me tape sur le système. t'ajoutes, en posant les pieds par terre. debout face à elle, mal assuré, tu l'observes rapidement. finalement, tu te fiches de savoir si elle va bien. il te faut juste un truc pour te calmer. là, maintenant. tout de suite. c'est tout ce qui t'importe. calmer. faire taire. stopper net l'orage avant qu'il ne gronde et n'éclate en grêle violente et froide. en cataclysme impossible à contenir. scar, elle n'a jamais vu ce dont t'es capable. elle ne sait pas qui t'es, ce que tu as fait. peut-être qu'elle le croit.. en surface. oui, en surface. parce qu'elle ne serait jamais venue se coller à ton dos pour chercher un peu de chaleur dans tes bras froids, mort, si elle avait su.

chaos, nom masculin, du grec khaos, abîme.

Elle roule des orbites, comme toujours. Il a cet effet sur ses nerfs, constamment à fleur de peau, l’air fragile et intouchable à la fois, comme s’il était bien au-delà de ces futilités qui parsèment le quotidien de l’être humain moyen. Il dégage une force tranquille, bien qu’il semble trembler rien qu’à l’idée d’être interpeler par la réalité, celle qu’il abhorre et exècre, qu’il refuse et repousse. Comme elle. On ne se refuse pas aux vents tumultueux qui s’élèvent au niveau céleste chaque fois qu’elle entrouvre ses lippes et le gratifie d’une caresse aérienne. On ne se refuse pas à la tempête qui gronde, surtout lorsqu’on est dans l’œil de ce cataclysme ambulant. Elle ferme les yeux, laisse couler sur sa bouche entrouverte l’ombre d’un sourire alors qu’elle se redresse lentement, ses gestes endoloris par l’oxygène dont elle a manqué. Elle fait fi des étourdissements, c’est chose commune, c’est quotidien, c’est qu’elle est trop occupée à semer le chaos plutôt que de se pencher sur quelque forme de nourriture que ce soit…

L’univers entier t’emmerde Arden, c’est pas nouveau qu’elle répond d’un ton mielleux, doucereux comme elle sait avoir le don d’aller profondément chercher les gens. Il n’est pas difficile de trouver son vis-à-vis, et pourtant elle en joue souvent, sans en perdre le goût, savourant chaque grimace, chaque regard furieux, comme si émergeait à la surface de ce visage à l’expression figée dans un marbre immaculé des émotions et des réactions. Celles qui l’accroche au moment présent, qui le rapproche de ce monde qu’il refuse d’intégrer, qui le met à diapason avec cet instant où elle est le centre de l’univers parce que son regard à lui perce le sien. Celles qu’il déteste en tout point, finalement.

Alors qu’il lui fait face, elle soulève le menton, l’air défiant. Elle ne le craint pas, elle n’a peur de rien ni de personne, Scar. Elle vit, tout simplement, quel que soit les conséquences et retombées de ses gestes. Elle instigue et suscite la réaction, et c’est ce qu’elle recherche avidement, particulièrement face à lui, lui hurlant avec ses actions de mettre son pied à terre, de s’ancrer enfin plutôt que de repousser toute forme de repères pour mieux s’enfermer dans sa tête. Et elle lui sourit, passe une langue gourmande sur ses lippes en le dévisageant un moment dans le silence et l’immobilité absolue.

Embrasse-moi qu’elle lâche, mots tranchant le silence qui perdure trop longtemps à son goût, susceptible de choquer, ouvrant la porte à la réaction et aux représailles. Vis putain qu’elle laisse sous-entendre, vis pour moi, ici et maintenant, envers et contre tout ce qui t’habite et te tourmente.

(c) AMIANTE

» ARDEN BYRD -