finally, the confrontation; phillipe.

Feat. Gavin Desrosiers

Le maillet s’abat sur son socle. Le séance est levée. Le verdict rendu. Phillipe retient un long soupire de soulagement. Il se redresse, quitte la salle d’audience sans un regard en arrière. Sans un regard vers lui. Dans les couloirs menant à son bureau, il retire sa toge, desserre légèrement la cravate de son costume sur-mesure. Il discute quelques minutes avec sa secrétaire, lui donne quelques instructions et s’enferme dans son bureau. Il a besoin d’un café. Serré, fort. Il se le sert. Il est encore chaud.

Tandis qu’il s’installe à son bureau, il s’empêche de penser à ce procès qu’il vient de clore. La séance de deux heures a été difficile. Cette affaire déplorable ! Cela n’aurait tenu qu’à lui, son verdict aurait été prononcé depuis le début. Seule sa conscience et sa volonté de bien faire, l’ont poussé à attendre, à écouter les différents parties jour après jour. Il devait rendre jugement avec âme et conscience, véritablement persuadé que Dieu lui-même aurait son avis à donner concernant ses actes, le moment venu. Sauf qu’il est difficile de se montrer impartial devant lui. Son argumentaire est tellement agaçant de cette certitude d’avoir raison du début à la fin. Or, il ne peut avoir raison, n’est-ce pas ? Il avait tenté de ne pas penser à tout ça. En vain. Le verdict qu’il avait rendu était biaisé, nul doute. Il lui est trop difficile d’y songer, à cet instant. Plus facile de fuir, comme il le fait depuis qu’il leur a annoncé la … nouvelle. Quelle honte !

La lecture d’un nouveau dossier lui occupe l’esprit, le distrait de ses pensées moroses. Mais sa tranquillité vole bientôt en éclat. Les coups à la porte, celle-ci qui vole en éclat, le dossier qui s’écrase sur celui ouvert sous tes yeux. Ses mots sont crachés avec hargne. Le reproche à peine voilé. Il ne répond pas de suite, le temps de contenir les termes qui lui brûlent la langue. Il se contente d’ôter ses lunettes et de relever la tête lentement. Il le fixe. D’un geste mesuré, il écarte le dossier sur le côté comme-ci cela ne l’intéressait même pas. Il s'adosse ensuite sur le dossier de son fauteuil, les coudes posés et les mains jointes. Alors, il s’autorise à parler.

« Je doute que tu ne sois le mieux placé pour juger de l’impartialité de mes verdicts. Avocat ou non. »

Qu’entend-t-il par là ? Lui-même l’ignore. Il ne sait même plus ce qu’il pense vraiment de cet homme qui a autrefois été son fils. Il ignore ce qu’il ressent vraiment. Seuls la honte, l’incompréhension, la colère et le dégoût se disputent à l’amour, la raison et la fierté. Le père qu’il est, ne reconnaît plus en lui celui qu’il a élevé. Et cette colère qu’il lui renvoi ne fait qu’écho à la sienne. Mais il n’est plus un enfant depuis longtemps, lui ne se laissera pas dominer pour ses instincts primaires. Du moins, c’est ce qu’il espère. Il ne compte même pas en discuter, à vrai dire.

« Fais ce que bon te semble, et je ferais ce que j’estime le plus juste. En attendant, cette requête n’est plus en mon pouvoir. Il va falloir t’adresser aux personnes concernées. »

Il remet alors ses lunettes et poursuit la lecture de son dossier. Sans un regard, il lui tend les papiers auxquels il n’a même pas jeté un œil. Il lui faut partir, ou la conversation qui s’en suivra risquerait de mal se terminer.
   

Feat. @Gavin Desrosiers

Les insultes. Le blasphème. Son sang ne fait qu'un tour. Pourtant, il n'est pas dans son caractère de réagir aussi vivement. Agacé, insulté, en colère, il ferme les yeux. Se concentrant très fort pour ne pas vriller, il se pince l'arrête du nez. "Ce n'est pas l'endroit, pas le moment. se répète-t-il. Il ne désire pas parler de ça ici. Il n'est pas encore sortie de ce tourbillon dans lequel son esprit s'est plongé. Trop de sentiments contradictoires pour savoir comment réagir. Sa décision n'est pas prise. Pas encore de réponse qui lui convienne.

Et Gavin qui continue de cracher sa hargne. Oh qu'il aimerait faire pareil ! Oui, il aimerait. Mais il essai furieusement de se contenir. Il rouvre finalement les yeux pour le fixer. La colère retenue refroidit sa voix tel de la glace. D'un doigt accusateur, il répond.

"Écoutes-moi bien, Gavin ! Chaque jour que Dieu fasse, je tente d'empêcher que ma vie privée n'interfère dans mon travail. Je m'efforce de rendre justice de la façon la plus partiale possible. Et ce malgré mes doutes et les obstacles sur ma route. C'est à cause de TOI si tu en es là aujourd'hui ! Si notre famille en est là ! Alors ne vient pas me mettre sur le dos les conséquences de TES ACTES."

Ses derniers mots, il les crie. Il se lève vivement. Son discours prend une double mesure. L'affaire ou le privée ? Il est évident que le procès n'a plus rien à faire là-dedans. Que ce n'est pas le fond du problème. Il pense sincèrement que cette situation atroce, Gavin en est le fautif. Elena et lui n'ont-ils pas tout fait pour lui offrir la meilleure des vies ? Ils lui ont offert tout ce qu'ils avaient. Et pour quel remerciement ?! Son comportement actuel est inadmissible. Son égo attaqué, le sentiment de trahison refait surface. Furieux bien malgré lui, il contourne son bureau pour lui faire face. La colère prend le pas sur la raison. Il a été trop loin. Le ton monte.

"Tu sembles oublier à qui tu parles. Et où tu te trouves ! Comment OSES-TU seulement venir m'insulter et blasphémer ? Crois-tu VRAIMENT être en position de le faire ?! Je T'INTDERDIS d'associer mes actes à ta décision contre-nature ! Je t'interdis même d'y faire référence en ma présence !! TU ES LE SEUL FAUTIF DANS CETTE HISTOIRE ET JE TE PRIERAIS DE T'EN RAPPELER ! "

Il n'a jamais été aussi en colère contre son ainé. Il ne se souvient d'ailleurs pas de la dernière fois où il s'est sentie si furieux contre quelqu'un. Après tout "la colère de l'homme n'accomplit pas la justice de Dieu". Elle est pêchée et il lui semble que ceux de son fils vont apporter l'opprobre dans leur vie à tous.
 

Feat. Gavin Desrosiers

"TAIS-TOI !"

L'ordre claque mais son ainé poursuit, implacable, tout aussi en colère qu'il ne l'est lui-même. Il semble que ce soit déjà trop tard. Il aura fallu peu de choses pour que les choses éclatent. La honte d'avoir une telle dispute sur son lieu de travail, mélangé à la colère qu'il le provoque ainsi. Ouvertement, sans vergogne, à afficher ses pêchés comme on brandit un étendard ! Phillipe voudrait qu'il se taise. Qu'il sorte d'ici. Mais non, il continue à le provoquer, toujours plus, jusqu'à le pousser dans ses retranchements. Plus que tout le reste, ces dernières accusations ne passent pas. Insulté dans sa condition de père, la gifle part spontanément.

CLAC !

"Comment OSES-TU ?!"

Il est furieux. Véritablement horrifié par tout ce qu'il peut lui dire. Presque instantanément, il regrette son geste. Mais la colère est trop forte. Il refuse, catégoriquement d'entendre ses paroles. Croire qu'il est toujours pu être ainsi. Gavin, son petit garçon sain et adorable, n'aurait pu naitre ainsi. Non, il y a forcément une explication rationnelle à tout ça. De mauvaises fréquentations, la drogue, une maladie mentale. Qu'importe ! Mais rien ne pourrait lui faire accepter l'idée que son ainé puisse avoir toujours été cet être abominable aux yeux de Dieu. Un pédéraste ! Quelle honte, quelle souffrance pour toute leur famille. Et plus encore, c'est les accusations qui le blessent. Retourner la situation, lui mettre sur le dos une souffrance qu'il n'a jamais désiré, lui qui n'a jamais voulu que le bonheur et la réussite de ses progénitures. Fruits de son amour le plus pure pour Elena.

"JE N'AI JAMAIS VOULU QUE TON BONHEUR !" crie-t-il d'indignation, "Depuis ta naissance, ta mère et moi t'avons donné tout ce que nous avions à t'offrir. Tu as été aimé, choyé, éduqué, encouragé et guidé. Dans le respect des autres et de toi-même. Selon les valeurs qui nous ont été inculqué par nos propres parents. Selon la parole de Dieu ! Nous t'avons donné toutes les clefs pour réussir ta vie ! Nous t'avons TOUT DONNE ! COMMENT PEUX-TU ... ?"

Il s'étouffe littéralement d'indignation, ne trouvant même plus les mots. Rien ne l'avait préparé à cette confrontation. C'était comme-ci Gavin rejetait son éducation, son enfance. Tout ce qu'ils lui avaient enseigné de bon, de sacré en ce monde. Tout ce qui avait fait de lui cet homme honnête, bienveillant et altruiste dont il était si fier. Le visage déformé par la rage, et une certaine peine, Phillipe continue de crier, hors de lui.

"JAMAIS je n'ai fait de mal à mes enfants ! JAMAIS ! J'ai toujours voulu le meilleur pour vous ! M'accuser d'utiliser nos croyances pour te punir ! Mais pour quel genre de fidèle me prends-tu !? Pour quel genre de père ! QUEL FILS ES-TU POUR REJETER AINSI TES FAUTES SUR TON PROPRE GÉNITEUR ?!" 

Et pourtant ... Voilà quelque chose qu'il ne dit pas mais qu'il ressent au plus profond de son être. L'échec. Quelque part, il est persuadé d'avoir échoué, d'avoir fait une erreur. Comme il échoue aujourd'hui à réagir comme il le devrait. Ce geste qu'il n'a su retenir. Qu'aurait-il fallu faire pour que son premier n'en vienne pas à se déclarer ouvertement gay ? Ce mot Phillipe l'exècre et se refuse à le prononcer. Comme il se refuse à avouer que c'est le sentiment d'avoir failli qui motivé sa colère. Plus que tout le reste.

Feat. @Gavin Desrosiers

Paradoxalement, sa violence n'a pas engendré plus de colère. Mais bien l'effet inverse. Aucune réaction agressive du côté de Gavin. Uniquement sa froideur, son indifférence. Cela ne fait que renforcer cette impression de rejet que ressent Phillipe. Ce rejet de leurs convenances, de leurs valeurs et de son éducation. Le rejet de tout ce qu'il croyait appartenir à son enfant. Il lui retourne alors la question. Quel genre de père est-il ?

"Tu couches avec des hommes Gavin !" crache-il de dégout. Il a baissé le ton, s'empêchant de hurler comme il l'a fait quelques secondes auparavant pour ne pas être entendu de l'extérieur. "Que suis-je censé penser ?!"

Oui, la question se pose. Quel père a-t-il été pour que Gavin en arrive-là ? Où a été sa faille ? Quelle a été sa faute ? Les questions tournent et retournent. Encore et toujours. Cette obsession de découvrir quand la situation a basculé. Si il aurait pu l'empêcher, comprendre plus tôt et agir en conséquence. C'est une véritable torture. Une culpabilité presque aussi grande que celle qu'il éprouve pour la plus grosse erreur de son existence. Gavin n'est pas son double, oh ça non. Aurait-il fallu ? Peut-être n'a-t-il jamais été à la hauteur comme mari et comme père. Peut-être n'était-il pas fait pour ses rôles. Aurait-il fallu s'abstenir de tout ça ? De tout ce qui constitue sa vie, son existence, la personne qu'il est ? Tant de questions dont il se serait bien passé. Une remise en question qu'il déteste. L'entendre affirmer qu'il n'a pas choisi, que tout ça n'a rien à voir avec leur croyance … il ne comprend pas.

"Il n'y avait rien à se rendre compte. Tu n'aurais jamais dû ne serait-ce qu'y songer !"

Aucun dialogue possible à ce niveau. Phillipe n'a jamais eu à s'interroger sur cette aspect de sa personne. Il n'a jamais eu d'attirance malsaine pour un homme. Il ne le conçoit même pas. Les mots diplomates de son fils lui sont imperméables. Même quand il lui dit avoir rencontré quelqu'un et être heureux.

"Heureux …" ricane-t-il, désabusé, "Et à quel prix ? L'enfer et la damnation ! Est-ce vraiment ce à quoi tu aspires ?"

Il ne comprend pas. Rien de ce que son ainé peut dire ne pourrait le faire changer de cap. Aborder l'idée du suicide, encore moins. Croit-il l'attendrir en dévoilant cette faiblesse d'âme ? Tous les mots qu'il prononce ne lui semble que blasphème et hérésie. C'est comme découvrir un être nouveau. Un être malsain et vicieux. Plus il parle, il plus Phillipe se sent horrifié. Il le dévisage en silence.  Peu à peu, le rejet s'inscrit sur son visage. Qui est cet homme en face de lui ?

"Tu te complais dans le pêché et te vante d'en être heureux. Et je devrais en être satisfait ? Mais t'entends-tu seulement parler Gavin ?" lui demanda-t-il avec âpreté, "As-tu penser à la souffrance que tu infliges à ta mère ? A celle de tes frères et sœur ? Tu as pensé à ta famille ?!"

Ca aussi, il ne le conçoit pas. Les Desrosiers s'aiment et s'entraident. Ils ne se blessent pas entre eux. Les révélations de Gavin sont comme un coup porté à ses proches. Phillipe ne le conçoit pas, comme il n'accepte pas que les gens qu'ils aiment puissent souffrir par l'égoïsme d'un des leurs.